Introduction
BIEN PARLER POUR MIEUX VIVRE
La langue française est complexe, son orthographe, anarchique, sa grammaire, pleine d’embûches, sa conjugaison, impossible à maîtriser, bref, c’est une langue… euh, que dire ?… Quel qualificatif cet apôtre du tout-anglais avait-il employé un soir de débat houleux ?… « Indubitable ? », non, mais quelque chose de ce genre… « Imbitable », c’est cela : « imbitable » ! Élégant, non ? Au moins reconnaissait-il par ce qualificatif distingué que notre langue est une maîtresse indomptable, inaccessible à qui veut la posséder sans égards. Chez cet ami, la sévérité du jugement n’était finalement que l’expression d’un dépit amoureux.
Il confondait aussi complexité et richesse, car la richesse de notre langue peut impressionner les béotiens de telle sorte qu’ils se découragent et préfèrent finalement opter pour la médiocrité, les approximations, les fautes. Se drapant d’un manteau de dérision doublé de mauvaise foi, ils vous assènent alors de fausses raisons, des contre-vérités, des arguments totalement éculés comme celui qui, au motif que la langue est vivante, ouvre la porte à tous les excès, maquille les erreurs en inventions, déguise les fautes en trouvailles et laisse le champ libre aux anglicismes les plus hideux, les plus inutiles et les plus destructeurs, ceux que je nomme « lexicophages » parce qu’ils prennent la place de mots français plus précis, plus nuancés, plus subtils, tant de mots qui vont se retrouver dans la basse-fosse d’un lexique oublié, qualifié de « vieilli » ou de « rare » dans les dictionnaires.
Par un bien étrange paradoxe, ces béotiens pensent se glorifier en adoptant les anglicismes à la mode, alors même que, de l’anglais, ils sont généralement de bien piètres locuteurs. Quant à leur langue maternelle, celle qu’ils trouvent trop complexe et qu’ils revendiquent « vivante », ils la tuent à petit feu et sont presque fiers d’en être les fossoyeurs.
Je crie donc « halte au feu ! », si petit soit-il. Il faut sauver notre belle langue française, en grand danger de s’éteindre à force d’être agressée. Les fautes en tout genre se multiplient et s’étalent sur tous les supports médiatiques ; nos chers bavards des ondes hertziennes sont de plus en plus nombreux à ne pas savoir construire leurs phrases de façon cohérente ; outre les anglicismes destructeurs, ils parsèment leurs interventions de « voilà », de « eh bien », de « en fait », ils répètent les tournures exaspérantes jusqu’à l’écœurement, ils font des liaisons là où elles sont interdites, ils ne lient pas là où il faudrait lier, leur reconnaissance des « h » aspirés est défaillante, leur vocabulaire est indigent, à tel point que souvent, ces parleurs patentés cherchent en vain le mot juste susceptible d’exprimer leur pensée avec précision, etc.