Le tout premier référent émotionnel du nouveau-né est la voix de sa mère qu’il commence à identifier avant sa nais-sance, pendant la période de gestation et qu’il reconnaîtra
parmi toutes les autres dès son entrée dans le monde. Son criprimal inondera l’espace pour nous annoncer : « Je suis vivant ! » Comme le dit joliment Marie-France Castarède, psy-
chanalyste : « Pour l’enfant de l’homme, la mise au monde est mise en voix. »
On peut se délecter à écouter indéfiniment une jolie voix qui n’a pas encore mué ou s’extasier devant un halo vibratoire qui nous ramène inévitablement aux plaisirs de la relation avec notre maman, aux confins affectifs de la plus petite enfance.
Mais que deviendra cette immaculée conception vocale ? Quelles vicissitudes va-t-elle connaître ? À quels mimétismes obéira-t-elle ? Que restera-t-il de cette limpidité sonore après le bouleversement inévitable que constitue la mue ? L’identifi- cation sexuée de la voix s’assortit de beaucoup de nuances possibles qui correspondent aux histoires individuelles et aux marques qu’y ont laissées les personnages importants de l’enfance. Ce vécu sera donc reconstitué selon les fantasmes propres à chacun de nous ; et comme si cela ne suffisait pas, les aléas de la vie d’adulte se chargeront d’y apporter leur lot de stress, d’angoisses et autres anxiétés, d’expériences sexuelles plus ou moins réussies, de comportements sociaux plus ou moins empruntés, de joies et de peines qui seront embossées dans toutes nos énonciations. Ancrée dans le corps, la voix pourtant s’en arrache et se projette dans l’espace pour inter- peller l’autre. Son usage met en jeu le réseau complexe des liens sociaux et culturels. La voix, parlée ou chantée, est affaire d’ondes vibratoires mais aussi de psychisme.